Sirènes
D'après le texte de Virginie Favre
Adaptation: Nadège Guenot, Aurore Faivre
Mise en scène: Nadège Guenot
Scénographie: Lucas Schlaepfer
Musique: Johan Treichel
Les Sirènes: Aurore Faivre, Delphine Horst, Lorin Kopp
L’Homme Moderne: Quentin Leutenegger
Collaboration artistique: Sandro de Feo, Pierre-Yves Diacon
Chargée de production: Aline Joliat
Costumes: Coralya Wühl, Lucas Schlaepfer
Création lumière et direction technique: Yann Perregaux
Régie: Lionel Jodry
Administration: Nina Vogt
Communication & Sponsoring: Marc Josserand
Presse: Anicée Willemin
Graphisme et marchandisage: Frédéric Millioud
Production: Cie Balor
Coproduction: Centre de culture ABC, Théâtre du Concert
Sponsors: Ville de La Chaux-de-Fonds, Ville du Locle, Loterie Romande, BCN, Fondation Engelberts, Ernst Göhner Stiftung
Remerciements: Sylvia Pellegrino, Louise Camille Robert, Charlotte Vadas, Pascal Bourquin, Johan Katz, Joann Locher, Matthieu Obrist, Johnny Zysset, La Coquille, Les Batteurs de Pavés, Association pour la sauvegarde du patrimoine ferroviaire des montagnes neuchâteloises, Casino-La Grange
L’Homme Moderne est figé sur son canapé devant une succession binaire de 0 et de 1 cathodiques comme la neige à la fin des programmes. Pour lui, ce soir-là, l’alcool et les divertissements télévisuels n’agissent plus: «Est-ce que cette vie est bien ma vie? Serai-je différent si ma vie était différente?» Une longue nuit s’annonce.
Les Sirènes sont là, dans l’obscurité. Elles oscillent entre le visible et le non visible. Hybrides, moitié femme, tête et poitrine, moitié oiseau, aux ailes majestueuses de 3 mètres d’envergure métallique et mécanique, les Sirènes incarnent l’exaltant sentiment du beau. Mystérieuses forces tranquilles, par delà bien et mal, elles savent.
Une danse macabre se dessine entre ces belles dangereuses et le mortel vissé à ses valeurs comme Ulysse l’était à son mât. La menace est feutrée, la tension latente. Un enjeu d’importance puisqu’il remet en cause l’existence de l’Homme, de ce qui le constitue.
Peut-on oser l’ivresse sans se perdre?
Dramaturgie
L’Homme Moderne est là, sur le plateau comme dans son quotidien, notre quotidien.
Il y a cette phrase qui tourne dans sa tête: J’ai disparu dans cela que je voulais être, que je voulais me procurer, dans tout ce dont j’avais rêvé. D’où lui vient alors cette tension?
Comment traverser cette vie avec le vertige, le sentiment d’avoir ce que l’on veut mais que quelque chose ne va pas? Comment fait-on quand nos voix intérieures deviennent plus fortes, qu’elles interrogent ce qu’on est et qu’on a choisi d’être? Les ailes ne se prennent pas, elles se gagnent. Ou se conquièrent. L’envol est tentant. Et la conscience un chemin à l’aspect périlleux.
Les Sirènes sont là aussi. L’ont toujours été. Pourtant, ce soir-là, leurs voix, leurs présences, vont se faire plus fortes, imposant à l’homme de confirmer, de redéfinir ses choix. Les Sirènes sont là. Elles révèlent à l’homme qui il est. Mais ce reflet le fait vaciller. Se connait-il vraiment?La pièce cherche à regarder l’âme, sa face obscure dans ce qu’elle est. Les Sirènes, soit nos instincts, nos intuitions, ne sont pas rangées selon le bien ou le mal. Elles sont. Et cela parle de nous, entièrement.
Scénographie
Le choix de travailler avec du Cuivre – métal au symbole alchimique associé au féminin (♀) – s’est vite imposé pour sa teinte proche de la couleur de la peau bronzée, ainsi que pour son oxydation surprenante de couleur vert-de-gris (vert de Grèce), rappelant celle des oiseaux du paradis. Pour les plumes: des boas. Très connotés.La scénographie des Sirènes est affaire d'éclairage et de costumes imposants. Les ailes font l'objet d'un travail de construction spécifique afin de laisser la gorge libre et permettre aux Sirènes de... parler! Avec une telle contrainte esthétique – 3 mètres d'envergure en cuivre – il a été essentiel de repenser le baudrier. Au contraire des systèmes habituels à deux points aux épaules pesant sur les hanches et comprimant la poitrine, les Sirènes n'auront qu'un seul point sur une des deux épaules contrebalancée par une armature dorsale. Une gageure dépassée par la confection globale du costume.
Nous voulions imaginer la peau des Sirènes. Elles seraient tout naturellement habillées de cuir à la fois résistant, souple et sensuel. Nous avions besoin d'un matériau capable d'épouser les courbes du corps tout en apportant tenue et solidité pour répondre aux contraintes mécaniques des ailes articulées. Nous l'avons trouvé: un tissu élasthanne encollé avec de la croûte de cuir.
L'éclairage structure l'espace d'un plateau résolument nu. Un jeu sur les chaleurs et les intensités complétera le découpage géométrique du dispositif: Sirènes/Homme Moderne, désir/routine, ombre/lumière, conscient/inconscient. Une tension à deux, trois ou quatre pôles en interaction et en contradiction. Rien ne sera jamais complètement bleu froid, rouge éros ou gris pénombre. Il y aura aussi parfois un peu tout en même temps, au centre ou sur ce qui fera office de proscenium: ces moments où on ne sait plus très bien si les Sirènes existent bel et bien ou si l'Homme Moderne est encore en vie...
On reconnaîtra sans peine une structure de production légère: les décors (les ailes) sont portés par les interprètes et la lumière crée l'espace. Nous n'avons pas les distributions en nombre de Vilar mais nous nous inspirons de ses drapeaux dans le même objectif: l'itinérance et l'esprit de tréteaux. Nous sommes plus intéressés à prendre le temps d'adapter Les Sirènes aux lieux qui nous inspirent qu'à forcer un décor pré-dimensionné dans des espaces multiples. La lumière sera donc construite a minima en toute autonomie. Chaque lieu nous apportera une architecture remarquable, un plus sur les plans de feux, de nouvelles possibilités aux accroches: un espace à réinventer à chaque fois suivant en cela le courant du théâtre in situ.